top of page
Rechercher
  • Napoléon LaFossette

[TUTO] Quels sont les différents types de deals dans la musique enregistrée?




Aujourd'hui, il me semble intéressant de dresser une typologie des catégories de contrats que l'on retrouve dans le domaine de la musique enregistrée. C'est à dire de la production et de la commercialisation des morceaux et des albums.


Un petit disclaimer, avant tout: il sera question dans cet article de morceaux ou albums décrits comme des « produits ». Cela ne reflète pas une vision cynique de la musique, mais est simplement le terme adéquate pour décrire de la manière la plus claire possible la dimension économique de la production musicale.


Point important, également: je ne parlerai pas des avances. Un autre article de ce blog y est consacré, étant complémentaire avec celui-ci.



Le contrat d’artiste


« Contrat d’artiste » est l’appellation dans le jargon de la musique de ce que l’on désigne juridiquement "contrat d’enregistrement exclusif". De tous les deals que nous évoquerons ici, il est le seul par lequel ce ne sont pas 2 personnes morales qui se lient par un accord, mais une personne physique et une personne morale. C’est-à-dire : l’artiste-interprète en sa qualité d’artiste-interprète (et non d’auteur) et le label.


La logique est de contrat est duale. Puisqu’il relève du droit du travail et du droit de la propriété intellectuelle. Le producteur va à la fois être l’employeur de l’artiste et celui qui obtient les droits sur les futures interprétations de l’artiste. La logique économique est simple: le producteur crée des produits (les morceaux), prenant en charge l’intégralité des coûts de création (des sessions studios en passant par le financement des clips, le paiement des cachets, l’achat des instrus, la réalisation des pochettes ou le paiement des mix et des masters). Chaque personne impliquée sur la création des morceaux, l’artiste-interprète en premier lieu, touchera alors des salaires. La responsabilité du producteur/label dans leur création n’est pas que financière : c’est lui qui organise le processus de production, en contactant tous les professionnels amenés à intervenir sur la création des morceaux et des albums, en les mettant en contact avec l’artiste (à l’exclusion des intervenants qui sont là du fait de la volonté de l’artiste), idéalement en accord avec celui-ci.


Il est donc le détenteur des droits sur ces produits immatériels que sont les morceaux. Comme expliqué ci-dessus, il verse des salaires à ceux intervenus dans le processus de production, ou des sommes forfaitaires s’il s’agit de prestataires extérieurs (comme un beatmaker qui a envoyé sa prod par mail et qui choisit d’être payé par le biais d’une somme non-soumise à cotisations) qui sont des sortes de sous-traitants. Le salaire que reçoit l’artiste est sujet à certains minimas fixés par la Convention collective nationale de l’édition phonographique (notion à ne surtout pas confondre avec l’édition musicale). En supplément de cette somme due relevant du droit du travail, le producteur verse à l’artiste des royalties relevant du droit de la propriété intellectuelle : sur chaque euro généré par la commercialisation des morceaux, l’artiste-interprète a droit à un pourcentage. Celui-ci va dans la grande majorité des cas de 8 à 12%, minorés d’abattements divers.


Voilà le rôle du producteur pour la partie relative à la production. Ensuite, il y a l’exploitation, c’est-à-dire l’intégralité des activités relatives à la commercialisation du produit qu’est le morceau (ou un ensemble de morceaux, comme un album). Il est également en charge du financement et de l’organisation de l’exploitation. C’est-à-dire essentiellement de la promotion et du marketing entourant les morceaux, ainsi que de leur distribution. Ces notions seront abordées plus en détail dans les prochains paragraphes.


Le contrat d’artiste est conclu pour une durée se basant sur l’enregistrement et la commercialisation des projets (morceaux, EPs, albums) prévus au contrat. Avec une durée minimale. Par exemple, un contrat d’artiste portant sur 1 album va stipuler qu’il s’achèvera 9 mois après la sortie commerciale de l’album en question, la sortie commerciale devant intervenir au plus tard 4 mois après l’achèvement de l’enregistrement de l’album. Puis il va être indiqué que cette date de prise de fin du contrat ne peut en tous les cas intervenir moins de 16 mois après la date de signature du contrat. Donc si l’album est achevé (c’est-à-dire enregistré, mixé et masterisé) en 3 mois et qu’il est publié 3 mois après cette date d’achèvement, le contrat ne prendra pas fin 9 mois après la sortie commercialise de l’album, mais 10, du fait de la durée minimale indiquée au contrat.



A l’inverse, voici ce qu’il se passe si l’album n’est achevé que 5 mois après la signature et sort 3 mois après son achèvement :



Durant cette période, l’artiste ne pourra conclure aucun autre contrat d’enregistrement avec un autre producteur, même pour un seul morceau.

Enfin, le contrat d’artiste inclut également tout un tas d’autres données, que la volonté de ne pas rédiger un article trop indigeste m’amène à ne pas évoquer dans ce papier.


Le contrat de co-production


Le contrat de co-production est lui un contrat par lequel plusieurs (2, dans la quasi-totalité des cas) labels vont décider de produire ensemble un artiste. Cela peut être le label créé par l’artiste et une major. Ou un label indépendant et une major. Ou même 2 labels indépendants.


Par le biais de ce contrat, les 2 structures vont se partager la qualité de producteur, à 50/50. Sur le terrain financier, cela veut donc dire que les investissements seront partagés. Généralement, l’un des 2 co-producteurs va sortir de sa poche l’intégralité de ces investissements, puis récupérer tous les revenus dus à l’autre co-producteur jusqu’à recoupement de ses investissements. Une fois recoupés, ou dans les cas où le second co-producteur rembourse la moitié des sommes investies par le premier, les revenus vont donc également être partagés à hauteur de 50% chacun. Sur le plan matériel, le « qui fait quoi ? », aucune généralité ne peut être faite : cela varie d’un contrat de co-production à l’autre. L’un peut être en charge d’organiser les sessions studio, de trouver les prods, tandis que l’autre va s’occuper d’organiser la production et le tournage des clips. Parfois, les 2 coproducteurs vont fonctionner par le biais d’un binôme s’occupant à 2 de l’intégralité de la production. Cela varie, selon les compétences et les envies de chacun des co-producteurs.


Ensuite, les 2 sociétés peuvent exploiter le ou les albums sans conclure d’autre deal. Par exemple, dans le cas d’une société détenue par un artiste qui conclut un contrat de co-production avec un label affilié à une major, il ne sera pas nécessaire de conclure d’autre deal. Puis parfois, comme un producteur classique, les 2 co-producteurs vont conclure des contrats de licence ou de distribution portant sur les projets objets de leur co-production.


Le contrat de licence


La licence, la fameuse. Le « contrat de licence exclusive », juridiquement. C’est peut-être le contrat-roi à l’heure actuelle dans le milieu du rap, bien que de l’aveu de certains professionnels, elle soit moins séduisante que par le passé.


En licence, il y a un producteur indépendant. Qui peut être, dans beaucoup de cas d’ailleurs, une société de production détenue par l’artiste dont les albums seront exploités par le biais du contrat de licence. Dans ce contrat, les rôles sont délimités de manière assez claire : le producteur indépendant produit, le licencié exploite. C’est-à-dire que le producteur va créer le produit qu’est l’album, de la comme décrit dans la première partie de cet article. Mais, une fois le produit créé, tout ce qui a trait à sa commercialisation sera à la charge du licencié. C’est lui qui va prendre la responsabilité, notamment financière, de l’intégralité de la promotion, du marketing et de la distribution. Il va soit engager des attachés de presse indépendants, des chefs de projet marketing indépendants, soit faire tout simplement travailler les attachés de presse ou chefs de projet marketing qui sont ses salariés. Il va préparer et financer des campagnes, généralement (et idéalement) avec la validation du producteur. Puis il va s’occuper de la distribution (soit directement, soit par le biais de ses affiliés), sur laquelle je reviendrai plus tard plus en détail.


Parfois, il va accepter également de prendre en charge une partie des coûts relatifs aux clips, en échange d’une qualité de producteur ou de co-producteur de ceux-ci. Cela dépend de sa politique et des négociations.


La licence est exclusive. C’est-à-dire que sur les morceaux et projets objets de la licence, le licencié sera l’unique personne à qui le producteur pourra concéder des droits, pendant une période déterminée.


Dans la majorité des cas, une licence porte sur plusieurs projets, elle est synonyme d’un certain engagement du licencié vis-à-vis de l’évolution de la carrière de l’artiste dont les albums font l’objet d’une licence. Sa durée va être fixée selon des règles très proches de celles servant à fixer la durée d’un contrat d’artiste. D’ailleurs, souvent, lorsqu’un producteur trouve un partenaire lui proposant un contrat de licence exclusive (et encore plus dans les cas d’auto-production), il va calquer la durée du contrat d’artiste sur la durée du contrat de licence exclusive.


Le contrat de co-exploitation


Le contrat de co-exploitation a une logique similaire à celle du contrat de production : 2 structures qui s’entendent pour partager le financement et l’organisation d’un certain nombre de tâches, relatives à un ou plusieurs projets d’un artiste.


Toutefois, il n’est ici question que d’un unique producteur. Producteur qui souhaite un mi-chemin entre le contrat de licence et le contrat de distribution, qui ainsi choisit d’exploiter un album à 2 avec une structure extérieure (très généralement affiliée à une major). Ainsi, tout ce qui est relatif à l’exploitation de l’album, et notamment les dépenses relatives au marketing et à la promotion, va être divisé entre les 2 structures.





Le contrat de distribution


La distrib, ou « contrat de distribution exclusive », suit juridiquement la même logique que le contrat de licence. Un producteur concède de manière exclusive pour une durée déterminée à une autre société un certain nombre de droits sur un certain nombre de morceaux ou projets pour une certaine durée et sur un certain territoire.


Toutefois, la répartition des tâches et des investissements est très différente de celle en contrat de licence. Puisque le producteur joue, dans le cas d’un contrat de distribution, un rôle absolument central. C’est en effet lui qui est en charge de la promotion et du marketing relatif au projet, en sus de la production. Le distributeur n’a donc qu’un rôle mineur, qui est celui de distribuer. Mais, qu’est-ce que cela signifie ?


Distribuer des projets, dans le rap en 2019, cela renvoie à 2 tâches principales. D’abord, faire en sorte que les morceaux soient disponibles sur toutes les plateformes, en temps voulu, avec les bonnes informations, les bonnes pochettes, les bons référencements. En tout cas, s’agissant des contrats de distribution digitale, extrêmement courants à l’heure actuelle. Puis, lorsqu’il y a également une distribution physique de prévue, il s’agit de la prise en charge de toute la mécanique permettant à un ensemble de morceaux d’être imprimés sur un CD recouvert d’une pochette et d’un livret (ou d’être imprimés sur un vinyle) que l’on trouvera en vente à la Fnac ou chez le disquaire du coin. Soit un ensemble de métiers avec un certain savoir-faire et supposant de vraies dépenses. Cette première tâche divisée en 2 parties est le cœur du métier du distributeur.


Mais aujourd’hui, leur autre fonction cruciale est celle du pitch aux plateformes de streaming. C’est-à-dire que chaque semaine, le distributeur va présenter aux curateurs des diverses plateformes de streaming les sorties de morceaux ou d’albums du vendredi, et tenter de les convaincre d’en placer certains dans telle ou telle playlist plus ou moins suivie, selon le profil de l’artiste.


La fixation de sa durée suit le même schéma qu’en contrat de licence ou en contrat d’artiste. Toutefois, les deals de distribution sont généralement moins longs que les deals en licence.


Enfin, comme en contrat de licence, un certain nombre de distributeurs vont offrir leurs conseils au producteur indépendant, dans le cadre de l’exploitation d’un album. Par exemple en lui conseillant des attachés de presse ou en donnant son avis sur la pertinence de telle ou telle campagne. Ce qui est notamment le cas dans les structures de distribution qui font aussi de la licence ou du contrat d’artistes, et qui ont une expertise potentiellement utile au producteur indépendant sur son activité.


Le label deal


Enfin, il y a ce que l’on appelle les label deals. Ce sont des deals par lesquels un producteur indépendant, plutôt que d’aller artiste par artiste chercher des contrats de licence ou de distribution, va convaincre un distributeur ou un label concluant des licences, de distribuer ou de se charger de l’exploitation de toutes ses prochaines sorties. Ce qui représente un gain de temps en négociations considérable, et qui inscrit les 2 structures dans une perspective commune renforcée pour un certain nombre d’années.

9 114 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page